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D’après Alternatives Economiques du 3 Janvier 2024

Sortir du populisme anti-écologique

Par Bruno BOURGEON

lundi 22 janvier 2024, par JMT

Sortir du populisme anti-écologique

Canal Seine-Nord

L’année 2023 s’achève sur deux paradoxes saisissants : d’une part, l’année la plus chaude de l’histoire aura également été celle où les émissions de GES auront atteint un nouveau sommet, alors même que toutes les preuves de la crise climatique tirée par la croissance fossile sont sous nos yeux, nous poursuivons dans la même voie autodestructrice ; d’autre part, l’année de tous les impacts écologiques en France (sécheresse, pénurie d’eau, crise alimentaire, canicules, inondations) aura également été celle de la montée en puissance du populisme anti-écologique.

Lorsque la nécessité écologique devient une évidence quotidienne, nous assistons à l’intensification des discours politiques visant à l’empêcher. Ainsi, le camp xénophobe et réactionnaire répète à l’envi que des politiques environnementales hystériques font exploser les inégalités sociales et aggravent la défiance politique alors que tout indique que ces inégalités résultent de la non-transition des systèmes énergétiques et alimentaires au cours des décennies passées, dont le prix est aujourd’hui la précarité énergétique, l’insécurité alimentaire et la vulnérabilité sanitaire.

Pour autant, la transition écologique est brandie comme un épouvantail social. La crise du logement ? La faute au zéro artificialisation nette et au diagnostic de performance énergétique ! La crise alimentaire ? La faute aux insupportables réglementations du Pacte Vert Européen ! La précarité énergétique ? La faute au déploiement des énergies renouvelables et aux zones à faibles émissions !

Le cynisme social de ce tour de passe-passe politique est manifeste : les classes populaires et moyennes ont le plus à perdre dans la non-transition actuelle et auront le plus à gagner dans la réduction de la pollution de l’air, l’atténuation des canicules, des inondations et des sécheresses, la démocratisation d’une alimentation de qualité, la sortie du piège des énergies fossiles pour leur mobilité et leur logement, le développement d’une politique de logement soutenable, etc.

Derrière la soi-disant révolte populaire, les lobbys de toutes sortes défendent et promeuvent leurs intérêts, comme en 2009 aux Etats-Unis, quand le « Tea Party » est entré en campagne contre la réforme du système de santé portée par Barack Obama, qui a depuis son entrée en vigueur permis de sauver la vie de millions d’Américains et rendue meilleure celle de dizaines de millions d’autres.

Le populisme anti-écologique, également à l’œuvre chez nos voisins européens (notamment anglais et néerlandais), repose sur deux arguments.

Le premier : nier purement et simplement l’urgence écologique et lui substituer l’urgence identitaire. Le second : instrumentaliser l’urgence sociale contre l’urgence écologique en prétextant leur incompatibilité.

Or ces deux postures idéologiques, présentées comme exigences populaires, sont en contradiction frontale avec les attentes de l’opinion publique telles qu’elles s’expriment en France comme en Europe.

La récente livraison de l’Eurobaromètre indique ainsi qu’à six mois des élections européennes, les trois priorités des populations des pays membres de l’UE sont, dans l’ordre, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, la santé publique et la lutte contre la crise climatique.

La dernière édition de l’enquête Fractures Françaises indiquait que les 3 préoccupations majeures des Français(e)s étaient, fin 2023, dans l’ordre : le pouvoir d’achat, la protection de l’environnement et l’avenir du système social.

Il ressort ainsi clairement de ces enquêtes deux enseignements : l’urgence écologique est réelle aux yeux de l’opinion publique européenne et française et si une attente s’exprime, c’est celle d’une meilleure articulation entre enjeux sociaux et environnementaux considérés conjointement prioritaires.

C’est la leçon d’une publication récente de la Fondation de l’écologie politique, « L’écologie depuis les ronds-points », qui confirme le constat de travaux antérieurs consacrés aux gilets jaunes : non seulement ceux-ci n’étaient pas climatosceptiques, mais ils se montrent plus favorables que le reste de la population française à l’action climatique. La cause centrale de leur révolte est l’injustice sociale et fiscale.

Sur la foi de ces faits, il ne faut donc rien céder au populisme anti-écologique et tout faire pour contrer la perspective d’une victoire des partis qui le promeuvent, laquelle aboutirait à une double régression environnementale et sociale dont les grands gagnants seraient les bénéficiaires du système actuel : les industries fossiles et le système agro-industriel.

Tournons-nous vers nos voisins belges pour comprendre ce que doit être une stratégie sociale-écologique ambitieuse déployée à l’échelle nationale et permettant de contrer le populisme anti-écologique.

D’abord la méthode : la ministre du Climat, de l’Environnement, du Développement durable et du Green Deal Zakia Khattabi a lancé le 24 mai 2022 les « Etats Généraux pour une Transition Juste » dans la lignée de l’Accord de gouvernement fédéral Vivaldi conclu le 30 septembre 2020 :

- Quatre collèges se sont alors mis au travail : des chercheuses et chercheurs regroupés au sein du Haut Comité pour la Transition Juste, la société civile organisée en Forum, une Agora citoyenne et les administrations publiques fédérales

- Trois publications, fruits de cet effort commun, viennent d’être mises en ligne : le rapport du Forum, celui des administrations publiques et celui du Haut Comité pour la Transition Juste, décliné en un rapport scientifique et un Mémorandum politique.

Ensuite les résultats : des dizaines de propositions précises sont ainsi mises en débat pour progresser dans la construction commune de politiques conciliant défi écologique et urgence sociale et permettant d’envisager une démocratie réinventée par l’ambition environnementale.

Ces propositions seront portées par le gouvernement fédéral dans les enceintes européennes par la Présidence belge du Conseil, qui commence justement en janvier 2024 et court jusqu’à la conclusion du scrutin européen.

On ne peut s’empêcher de contraster la cohérence et la robustesse de ces méthodes – dont toutes les propositions sont évidemment discutables (c’est leur vocation) – avec la stratégie de transition française, opaque, improvisée et solitaire. En matière de transition sociale-écologique aussi, la Belgique pourrait inspirer la France.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Alternatives Economiques du 3 Janvier 2024

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