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D’après Alternatives Economiques du 25 Avril 2023

Les influenceurs sont des irresponsables

Par Bruno BOURGEON

mercredi 14 juin 2023, par JMT

Les influenceurs sont des irresponsables

Le journaliste Hugo Clément dénonce le comportement irresponsable de deux influenceurs et est menacé de poursuites judiciaires

Comme un électrochoc. Alors que le monde s’arrête en janvier 2020, Vincent « Vinz » Kanté se prend la réalité en pleine face. Longtemps animateur d’une des plus populaires libre-antennes du pays sur Fun Radio Belgique, l’influenceur belge accumule des centaines de milliers d’abonnés sur les réseaux sociaux.

« Comme tout le monde, je me suis retrouvé coincé, avec des centaines de questions sur le Covid, ses risques et les conséquences à long terme de la crise », se souvient-il.

Les partenariats commerciaux diminuent. Avant le Covid, l’influenceur multipliait les collaborations avec les marques de téléphone et les jeux-concours proposant à ses abonnés de gagner des produits à la sortie d’un nouveau Samsung.

Pendant la pandémie, il commence à s’interroger sur l’écologie, devient « geek » sur le sujet et transforme radicalement sa manière de travailler. Aujourd’hui, il promeut l’écologie et la justice climatique.

« J’ai tout arrêté à part les partenariats avec des associations ou des structures d’intérêt public, confie celui qui a aussi la chaîne youtube LIMIT consacrée à l’écologie. Je suis passé d’un cercle vicieux à un cercle vertueux ». Reste qu’évoluer coûte pour les professionnels de l’influence.

« Changer de ligne édito a été hyper dur, poursuit Vinz Kanté. J’avais formé tout mon capital autour de partenariats avec des grosses marques et des jeux-cadeaux avec mes abonnées. Je suis passé en quelques mois d’opérations à 10000 euros à des partenariats à 500 avec de petites marques écoresponsables. Le plus difficile a été la réaction d’une partie de la communauté, les commentaires antisémites comme « t’as vendu ton cul à Soros », les sorties racistes et complotistes… ».

Arrivée par la petite porte et le compte Instagram Paye Ton Influence qui dénonce les abus de l’industrie, la question de l’influence responsable – tant dans ses pratiques commerciales que dans les modes de consommation qu’elle promeut – s’invite depuis six mois dans le débat public.

En cause les pratiques commerciales souvent trompeuses du secteur et des « influvoleurs », accusés de pratiquer largement le drop-shipping, de promouvoir massivement la chirurgie esthétique ou les jeux d’argents, voire d’avoir mis en place de véritables escroqueries.

Le sujet est politique. En novembre, le député EELV Aurélien Taché déposait une proposition de loi pour réguler le monde de l’influence. Le 8 janvier, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire annonçait le lancement d’une consultation visant la mise en place d’une charte de bonne conduite pour les acteurs de l’influence.

Le 30 mars, l’Assemblée nationale adoptait en première lecture une proposition de loi transpartisane, soutenue par le gouvernement, visant à « encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux ».

Le texte, qu’une partie de la gauche ne juge pas assez offensif, offre un cadre juridique à l’activité d’influence commerciale. Il comporte des dispositions encadrant la promotion de la chirurgie esthétique et des jeux de hasard et des sanctions financières allant jusqu’à 30000 euros d’amende.

Mais à l’instar de Vinz, certaines célébrités des réseaux n’ont pas attendu la loi pour changer leurs pratiques. La reconversion écolo, plus ou moins radicale, d’influenceuses et influenceurs ayant longtemps vécu de la promotion de la surconsommation est un signal faible de la crise profonde qui traverse l’industrie.

L’exemple le plus connu ? Celui de Marie Lopez, devenue célèbre sous le nom Enjoy Phenix, reine francophone du makeup aux 5,8 millions d’abonnés, qui, en 2019, a demandé aux marques d’arrêter de lui envoyer des produits sans son autorisation.

Une bascule qu’a aussi faite Sandrea, avec plus de trois millions d’abonnés tous réseaux confondus. Devenue populaire grâce à ses contenus mode et make-up, elle fait partie des créatrices et créateurs de contenus ayant pris un virage écolo.

Les vidéos beauté qui l’ont fait connaître se transforment en format plus personnel, journal intime de ses questionnements féministes et écolos. « Après dix ans à parler de rouge à lèvres, je me retrouve à vulgariser la psychologie et à raconter ma transition écologique », sourit-elle.

« Les conséquences de la crise climatique sont de plus en visibles et l’influence va être obligée de se transformer », veut croire, de son côté, Benjamin Martinie, de la chaîne YouTube Tolt en voyage. Il y a trois ans, il a pris une décision simple et radicale : ne plus prendre l’avion.

« J’étais dans une forme de déni, d’ignorance, par rapport à l’impact de l’avion. Mais je défends, en privé, les questions écologiques. Plusieurs proches m’ont fait remarquer cette incohérence profonde et je les en remercie aujourd’hui ».

Ces exemples médiatiques restent marginaux au regard des150000 influenceurs actifs recensés par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale en février dernier.

« Ces prises de position ont longtemps été très isolées, pointe Stéphanie Lukasik, enseignante-chercheuse à l’université du Luxembourg et autrice de L’influence des leaders d’opinion. Un modèle pour l’étude des usages et de la réception des réseaux socionumériques aux éditions de l’Harmattan. Aujourd’hui, je dirais qu’il y a une micro-tendance, avec une prise de conscience de certains influenceurs qui prônent un mode de consommation plus écologique ».

L’audience des influenceurs est de plus en plus demandeuse de pratiques plus responsables, confirme Amélie Deloche, l’une des cofondatrices du compte Paye Ton Influence. C’est un levier de transition si la pression continue à être mise.

« L’influence responsable grandit, mais il faut raison garder, nuance de son côté Thomas Wagner, militant écolo derrière le compte Bon Pote qui dénonce de longue date le consumérisme anti-écologique prôné par l’influence. Il suffit de regarder le nombre de followers qu’ont les personnalités écolo sur Instagram par rapport aux producteurs de contenus plus traditionnels. On est toujours à un contre cent ».

Des enjeux et blocages qui dépassent largement les simples producteurs de contenus. Tributaires des grandes entreprises capitalistes que sont les plates-formes, influenceurs et influenceuses sont en fait dépendants d’un modèle économique par essence anti-écologique.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

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