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D’après Alternatives économiques du 26 Septembre 2023

La Planification Ecologique selon Macron

Par Bruno BOURGEON

vendredi 10 novembre 2023, par JMT

La Planification Ecologique selon Macron

Enfumage

La prise de parole du chef de l’Etat lundi 25 septembre à l’Elysée, à l’issue d’un deuxième Conseil de planification écologique, était très attendue. Certes, le plan à 2030 qui doit permettre à la France de respecter ses nouveaux engagements européens pris dans le cadre du Pacte vert, en particulier une baisse de moitié des émissions de GES par rapport à 1990, avait déjà été présenté en juillet dernier.

C’était l’engagement de campagne d’Emmanuel Macron de changer de méthode pour répondre à l’urgence de la transition écologique. Primo, placer ce chantier sous la tutelle de la Première ministre pour assurer une cohérence d’ensemble et sortir par le haut des guerres d’arbitrage entre ministères.

Secundo, écrire une feuille de route pour mener à bien ce chantier titanesque aux multiples dimensions dans tous les secteurs. Reconnaissant ainsi que la transition ne peut avancer à coups de « signaux prix », mais nécessite un plan cohérent, articulé, animé et conduit par le gouvernement.

Promesse tenue. Après quatorze mois d’un travail impressionnant, mené sous la houlette d’un secrétaire général à la planification écologique (SGPE), fonction nouvelle et directement rattachée à la Première ministre, un plan a été produit. Et a été assez largement salué. Manquait sa validation par le chef de l’Etat et les ministres concernés.

Le drame de la mort du jeune Nahel et les émeutes qui ont suivi, ont conduit l’Elysée à reporter sine die le Conseil de transition écologique initialement prévu mi-juillet. Ce qui a laissé planer le doute sur la sincérité de l’engagement. De fait, c’est in extremis, à l’avant-veille de la présentation du projet de loi de finances en conseil des ministres, qu’Emmanuel Macron a présenté et défendu son plan devant les Français.

Le contexte des prix à la pompe a facilité la tâche du président pour convaincre. Emmanuel Macron a beaucoup insisté sur les 120 milliards d’euros de la facture énergétique et la nécessité de réduire la dépendance de la France aux énergies fossiles : il s’agit de passer de 60% aujourd’hui à 40% en 2030. Une stratégie de décarbonation est une bonne stratégie économique, a-t-il expliqué. C’est bon pour les investissements et pour les emplois.

L’argument est juste, surtout sur le long terme. Mais il présente l’inconvénient de pouvoir se retourner en cas de changement de conjoncture. On touche ici à une limite de « l’écologie à la française » défendue lundi par Emmanuel Macron : la politique écologique ne se justifie que si elle est créatrice de valeur économique.
D’où un discours très axé sur les réponses technologiques et le développement de la production industrielle « made in France » (ou « made in Europe ») de voitures électriques (en produire un million en France en 2027), de batteries (devenir exportateur de batteries à cet horizon), de pompes à chaleur (multiplier leur production par 3).

A juste titre : pourquoi la production indispensable de ces biens décarbonés irait-elle enrichir les Etats-Unis ou l’Asie plutôt que la croissance et l’emploi domestiques ? Cependant, l’objectif reconnu lundi par Emmanuel Macron – et c’est une bonne nouvelle – est de doubler dès l’an prochain le rythme annuel de baisse des émissions de GES. Atteindre -5% par an est en effet cohérent avec l’ambition climatique nationale.

Mais ce niveau d’ambition est tel qu’il sera difficile d’y parvenir sans une certaine destruction de valeur économique : rouler moins et moins vite, prendre moins l’avion, consommer moins de viande de bœuf et de vidéos en streaming, réaliser des travaux coûteux et peu rentables de rénovation performante de son logement, réduire drastiquement l’usage des engrais… Des choix historiques.

Et qui dit destruction de valeur devrait dire redistribution entre ceux qui ont plus et ceux qui ont moins. Deux sujets absents du discours présidentiel. Les mots de « sobriété » et de « transition juste » ont été prononcés, mais relèvent plutôt de l’enfumage verbal.

La première est effectivement très « mesurée » et la seconde est réduite ici à l’aide à l’achat d’un véhicule électrique ou à des aides à la rénovation… Dont, au passage, les montants semblent bien insuffisants au regard de l’objectif très ambitieux du gouvernement d’atteindre 200.000 rénovations performantes annuelles dès 2024.

Sur le plan du financement, la rallonge budgétaire de 7 milliards d’euros en autorisations de paiements en 2024 n’en est pas moins une avancée significative. Mais cela reste très en deçà de l’estimation de 30 milliards de financements publics additionnels nécessaires estimés dans le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz consacré aux enjeux économiques du plan climat.

Le gouvernement compte sur les collectivités territoriales pour mettre au pot, mais sans vraiment expliquer comment. La prochaine loi de finances, la future loi de programmation énergétique, les futurs décrets de programmation énergétique et climatique seront les prochains tests de la volonté du gouvernement de mettre en œuvre sa feuille de route. Le président sera-t-il sérieux et conséquent ?

La question se pose, tant il a minimisé l’effort à réaliser : « Si on prend l’effort total depuis 1990, on a fait la moitié du chemin. C’est l’autre moitié qui nous reste pour atteindre la réduction de 55% des émissions de CO2 ». Oui, il s’agit de parcourir en 7 ans ce qui a été fait en 33, sachant que le plus facile a, jusqu’ici, été réalisé.

De même, l’insistance d’Emmanuel Macron sur la question du charbon laisse songeur. Comme il l’a fait la veille lors de son entretien télévisé, le chef de l’Etat a affirmé : « Pour moi, un objectif qui est absolument fondamental dans cette décarbonation, c’est la sortie du charbon ».

Alors que les deux dernières centrales auraient dû être fermées sous le précédent quinquennat, il a annoncé qu’en sortant totalement du charbon au 1er janvier 2027 (ce qui signifie que ces centrales pourraient ensuite brûler du bois ou de la biomasse, pire des méthodes pour produire de l’électricité), la France serait en avance sur le reste du monde.

Peut-être, mais Emmanuel Macron a omis de dire que l’Hexagone n’en consomme déjà presque plus. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Plus inquiétant : le président a rappelé lundi qu’il voulait une « écologie compétitive », condition pour que l’écologie crée de la valeur économique. A ce sujet, il a présenté « un point très important […] et que nous annoncerons en octobre, c’est de reprendre le contrôle du prix de notre électricité ». Scoop !

Reste à savoir si Bruxelles donnera son aval à Paris et si c’est l’électricité nucléaire qui fera la compétitivité made in France. Le discours du président suggère en tout cas qu’en France, la politique nucléaire conditionne la politique climatique. Que la première soit entravée pour quelque raison que ce soit et la seconde pourrait être remise en cause. Pas vraiment crédible, le président.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

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