Remaniement ministériel : l’écologie aux oubliettes

Remaniement ministériel : l’écologie aux oubliettes

Le nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, a confirmé Gérald Darmanin au poste de ministre de l’Intérieur. Ici dans le Val-d’Oise, le 10 janvier 2024 (- © AFP / Bertrand Guay)

Issus des réseaux sarkozystes, de la droite dure... les ministres choisis par Gabriel Attal pour former son gouvernement n’ont pas rassuré les écologistes. Il n’y a selon eux aucun espoir de changement de politique.

Souvenez-vous, c’était il y a un an et demi, trois jours seulement avant le scrutin présidentiel. Lors de son discours à Marseille, Emmanuel Macron déclarait que « son second mandat sera écologique ou ne sera pas ».

Depuis, cette phrase semble s’être perdue dans les limbes de la politique. L’engagement s’est évaporé . En tout cas, aucune mention liée à l’écologie n’a été faite lors de la nomination de Gabriel Attal comme Premier ministre, mardi 9 janvier.

Les dirigeants macronistes prônent désormais le « réarmement civique de la Nation » et la « régénération de la jeunesse » comme si nous étions à la veille d’une mobilisation générale. La visite d’un commissariat par le Premier ministre le 10 janvier augure les nouvelles priorités : l’attachement à « l’ordre » et à « la sécurité ».

Le 11 janvier, dans la soirée, la présentation du nouveau gouvernement n’a pas eu de quoi rassurer les écologistes ou leur donner de l’entrain. Le « en même temps » macronien semble révolu au profit d’une conversion plus réactionnaire.

Une première salve a été donnée pour désigner les ministres de plein exercice. « Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le centre de gravité du gouvernement s’est déplacé encore plus à droite, analyse Vincent Drezet, d’Attac. Il n’y a aucun espoir de changement de politique ».

Parmi les premiers noms dévoilés, on retrouve évidemment l’indétrônable Bruno Le Maire qui se fossilise à Bercy, l’ambitieux Gérald Darmanin qui reste à l’Intérieur malgré ses deux récentes défaites — l’échec de la dissolution des Soulèvements de la Terre et la motion de rejet de la loi Immigration.

Éric Dupond-Moretti est lui aussi confirmé à son poste de garde des Sceaux, comme Sébastien Lecornu aux Armées. Aux postes clés régaliens, les poids lourds du gouvernement, exclusivement masculins, ont su conserver leur autorité.

Ils ont été rejoints par d’autres personnalités de la droite comme la très sarkozyste Rachida Dati, nommée ministre de la Culture, alors même qu’elle est actuellement mise en examen pour « corruption et trafic d’influence » dans l’affaire Carlos Ghosn.

Catherine Vautrin, ancienne membre des Républicains, elle, devient ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités. La branche macroniste issue du Parti socialiste — Olivier Dussopt (Travail), Clément Beaune (Transports) —, qui avait exprimé son malaise quant à la loi Immigration, a été remerciée.

Sur le front de l’écologie, aucune annonce fracassante. Les mêmes sont reconduits à leur poste. Marc Fesneau, très proche des milieux agro-industriels, conserve son portefeuille pour mettre en œuvre la loi d’orientation agricole qui sera bientôt présentée en conseil des ministres.

Les associations écologistes craignent que ce texte favorise les investisseurs privés au détriment des paysans et qu’elle accélère la concentration des terres. Aucune mesure pour atténuer l’émission de GES dans les pratiques agricoles n’est par ailleurs prévue.

À la Transition écologique, Christophe Béchu est lui aussi reconduit. Il continuera sa politique. Reste à savoir s’il se déplacera toujours en jet privé. Il présentera fin janvier sa stratégie d’adaptation au changement climatique, seul secteur où il a réussi ces derniers mois à imprimer sa marque.

Les associations écologistes expriment de la lassitude. « On n’attend rien de ce remaniement, dit Jean-François Julliard, le directeur de Greenpeace France. C’est un non-événement ». Un ravalement de façade tout au plus. Une modification cosmétique.

« On fait croire à un nouveau souffle, mais le quinquennat patine, ajoute Vincent Drezet, d’Attac. Ils ont imposé à la hussarde et à la Pyrrhus des réformes impopulaires et illégitimes. Ce n’est pas un jeune Premier ministre qui va changer quoi que ce soit ».

« En réalité, la situation se dégrade. Le pouvoir tente de casser psychologiquement la population en installant une société de plus en plus soumise et précarisée au service d’une élite néolibérale ».

Le nom des secrétaires d’État sera connu prochainement, tout comme la composition des cabinets ministériels. Sur ce dernier aspect, le choix d’Emmanuel Moulin au poste stratégique de directeur de cabinet du Premier ministre confirme le tournant droitier.

Cet ex-directeur du Trésor, ancien de la Banque mondiale, est un technocrate pro-business qui cultive les réseaux sarkozystes, le lien public-privé et une vision pro-entreprises de l’économie.

Autre inconnue à l’heure actuelle : le périmètre des différents ministères. Christophe Béchu reste à la dixième place dans l’ordre protocolaire. La question de l’énergie est aussi en suspens.

Qui conduira la future Loi sur la souveraineté énergétique de la France qui sacre le nucléaire ? Agnès Pannier-Runacher en charge de ces sujets, quitte la Transition énergétique pour seconder Catherine Vautrin à la Santé.

Anne Bringault, du Réseau Action Climat, se dit « inquiète » : « Si l’énergie revient à Bercy, cela risque d’être très mauvais pour les futurs arbitrages. On reste aussi dans le flou quant à la planification écologique ».

« Le Premier ministre n’en a pas parlé lors de son discours de prise de fonction. Il ne s’est jamais exprimé sur le sujet. Dans ces conditions, l’écologie arrivera-t-elle à se placer ? » Il est permis d’en douter.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Reporterre du 16 Janvier 2024

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