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D’après Reporterre du 4 Mai 2023

La CACG profite de l’argent public grâce aux méga-bassines

Par Bruno BOURGEON

lundi 10 juillet 2023, par JMT

La CACG profite de l’argent public grâce aux méga-bassines

Derrière les mégabassines ou le barrage de Sivens, on trouve la discrète Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne. Promouvoir l’irrigation lui permet de capter des financements publics

CACG. Cet acronyme ne dit rien à vos oreilles. Et pourtant la Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne, société privée dirigée par des élus départementaux et régionaux, joue un rôle clé dans la création des barrages, retenues et bassines en France.

Née en 1959, cette société d’aménagement régional basée à Tarbes (Hautes-Pyrénées) se veut « au service des territoires » et du « développement de la ruralité » dans le Sud-Ouest.

Mais jusqu’ici, elle a surtout répondu aux intérêts des agriculteurs irrigants (un quart des exploitations françaises), en suivant un schéma bien rodé : réaliser des études sur les besoins en eau, suggérer une solution technique souvent coûteuse, se voir confier la réalisation du chantier, et profiter de larges financements publics.

Son trésor et sa vitrine : c’est le système Neste. En gros, le bassin versant du plateau de Lannemezan. Un ensemble de barrages, canaux et stations de pompage hérité de Napoléon qui s’étend des Pyrénées au Lot-et-Garonne, et que la CACG gère pour l’État.

Ce « système Neste » fournit à la fois l’eau potable pour l’agglomération d’Auch, alimente de nombreux cours d’eaux du Gers, mais soutient aussi l’irrigation. Cette dernière représente un tiers des volumes prélevés chaque année. C’est même la majeure partie de l’eau consommée en période sèche, avec un record en 2022 de 105 millions de mètres cubes.

Au-delà du système Neste, la CACG gère également les réserves et les pompages pour une quinzaine de structures collectives d’irrigants (ASA) dans le grand sud-ouest ainsi qu’en Dordogne.

Selon le ministère, sur 500000 hectares, le maïs (semences et fourrage, destinés à l’élevage) représente 42% des surfaces, même s’il diminue, remplacé notamment par le soja, lui aussi gourmand en eau. Pas une mauvaise nouvelle pour la CACG qui a pour principal client ces agriculteurs irrigants. En 2021, la vente d’eau représentait près de 55% du chiffre d’affaires de l’entreprise.

Une dépendance qui pousse l’entreprise à orienter la plupart de ses actions vers l’irrigation : ingénierie, conseils, solutions numériques et même ventes de matériel d’irrigation. « Une approche 360 degrés », lit-on sur leur site, ce qui lui permet d’être présente à chaque étape des projets liés au stockage de l’eau. Au risque de mélanger les casquettes.

Bassins gérés par la CACG (Source Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne)

Pour une entreprise de taille relativement modeste (236 salariés), la liste des affaires dans laquelle la CACG est impliquée est longue comme un jour sans pain. Elle était à l’origine du projet pharaonique du barrage de Charlas dans les Pyrénées dans les années 1980-1990, et a exploité pendant des années le barrage de Fourogue , construit illégalement dans le Tarn.

La Compagnie est régulièrement condamnée pour des prélèvements abusifs dans les cours d’eau, dernièrement en 2021 . Mais la CACG est sortie de l’anonymat avec son rôle déterminant dans le projet de Sivens, dans le Tarn.

Dès 2001, la Compagnie a mené pour le compte du département du Tarn-et-Garonne une étude sur les besoins en eau de la vallée du Tescou entre Gaillac et Montauban.
Elle a conclu à la nécessité de construire un barrage de 1 million de m3, réévalué en 2009 à 1,5 million, dont plus de 60% de l’eau stockée serait destinée à l’irrigation.

Tant pis si le nombre d’agriculteurs réellement intéressés était inférieur à vingt. Et tant pis si l’étude d’impact avait négligé une zone humide importante, le Testet . Sivens devint la solution unique de la CACG, comme des élus locaux, écrasant toute autre alternative.

Après plus de cinq ans de bataille juridique menée par les associations, un an d’occupation du chantier par une zad (zone à défendre), la mort de Rémi Fraisse, tué par un gendarme lors d’une manifestation en octobre 2014, a entraîné la suspension définitive du chantier déjà entamé. La justice a annulé le projet en 2016 et l’État a été condamné en 2020.

Mais il n’y a pas qu’à Sivens que la CACG a soutenu des solutions controversées. Dès 1998, l’État commandait à l’entreprise un bilan sur les besoins et ressources du marais poitevin. Présenté par l’État en 2001, c’est dans ce document qu’est apparu pour la première fois la solution des « retenues de substitution par pompage de la nappe souterraine », les fameuses bassines.

Deux ans plus tard, en 2003, les élus locaux ont confié à la même CACG la réalisation de dix bassines expérimentales : 3,2 millions de mètres cubes, pour 12 millions d’euros d’argent public. Alors que le chantier avançait, une partie du projet a été retoqué par la justice en 2008 et en 2010. Retardé, le projet a abouti en 2012 et la CACG a dès lors assuré son exploitation pour le compte de la collectivité.

Dès 1998, la CACG conseillait à l’état de construire des bassines dans le marais poitevin (Twitter/Bassines non merci)

Une expérience fondatrice pour les autres projets de bassines qui ont fleuri ensuite, note le géographe Romain Carausse dans sa thèse consacrée aux évolutions de la CASG. Cette dernière s’est beaucoup investie dans le marais poitevin, bon filon pour créer de la ressource en eau avec d’importantes subventions publiques.

En 2013, l’entreprise a remporté l’appel d’offre pour la construction de quinze bassines supplémentaires, cinq dans le bassin de la Vendée, dix dans celui du Lay. Elle a assuré le montage du projet, la maîtrise d’œuvre, l’entretien des bassines et gère les prélèvements.

Mais vingt-cinq bassines, ce n’était pas assez. La CACG s’est donc associée à la Coopérative de l’eau 79 dans un projet de dix-neuf retenues dans la Sèvre niortaise. Ce sont les fameuses méga-bassines, dont celles de Sainte-Soline, qui ont soulevé dès 2017 de multiples oppositions.

Après une médiation sous l’égide de l’État, le projet a été réduit en 2018 à « seulement » seize retenues. Coût du chantier : 60 millions d’€, financés à 70% par de l’argent public. Un « projet vital », avait assuré la CACG en 2021 dans son rapport d’activité, pour lequel elle assure « l’appui réglementaire, l’ingénierie financière, l’appui environnemental » et la maîtrise d’œuvre du chantier.

Le comble c’est que le modèle de la CACG, même massivement subventionnée, n’est pas rentable. Malgré des tentatives de diversification, notamment à l’international, la situation économique catastrophique de la CACG a conduit fin 2022 l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine, 6 départements et les banques à débourser 24 millions d’€ pour la recapitaliser.

Ainsi sauvée, l’entreprise assure disposer « d’un carnet de commandes bien rempli » et mener « des transformations internes » en intégrant dans les nouveaux projets « un panel complet de solutions : fondées sur la nature, économie d’eau, évolution des pratiques… ».

Pas question pour autant de remettre en cause le modèle qui fait son business. Le changement climatique qui invite à repenser l’agriculture ? Plutôt un argument supplémentaire pour continuer à vendre du stockage de l’eau.

Alain de Scoraille, agriculteur céréalier à Blanquefort, adepte du couvert végétal et de l’agriculture de conservation des sols, qui regroupe près de 1000 irrigants sur le système Neste, l’assure : « Bien sûr que les pratiques évoluent, la surface du maïs diminue et on essaie d’utiliser des variétés plus précoces ou moins gourmandes en eau ».

Mais impossible, pour lui, de faire face à la raréfaction de l’or bleu sans construire de nouvelles retenues de substitution : « On a pris du retard, on aurait déjà dû créer d’autres réserves dans le système Neste ». Ce discours, qui parie sur la permanence de précipitations en hiver pour avoir de l’eau en été, est pourtant très incertain selon les derniers modèles scientifiques.

Mais il reste partagé par le nouveau président de la CACG, Jean-Louis Cazaubon. Il y a quelques semaines, tout en reconnaissant l’utilité des zones humides pour le stockage de l’eau, le vice-président délégué à la souveraineté alimentaire à la région Occitanie appelait même à faire tomber les dogmes sur les retenues d’eau. Pour en construire toujours plus ?

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.rehttp://www.aid97400.re

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