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D’après Reporterre du 24 Janvier 2024

L’Ecologie ne doit pas être le bouc-émissaire de la colère paysanne

Par Bruno BOURGEON

mercredi 14 février 2024, par JMT

L’Ecologie ne doit pas être le bouc-émissaire de la colère paysanne

Manifestation le 22 janvier 2024 dans le Gers, Occitanie. - © Patrick Batard / AFP

Une profonde colère s’exprime depuis plusieurs jours dans le monde agricole. Les agriculteurs et agricultrices expriment leur ras le bol de ne pouvoir vivre dignement de leur métier. Le secteur de l’élevage est particulièrement touché, après des décennies d’accords de libre échange qui se traduisent notamment par des importations massives de viandes à bas prix.

Poulet brésilien à la flavomycine, bœuf canadien aux hormones… Les exemples d’importation de viandes produites dans des conditions sanitaires déplorables sont légion dans les accords de libre-échange signés par l’Union européenne ces dernières années.

Ils sont une des sources profondes de la colère qui s’exprime depuis plusieurs jours. ils tirent les prix et la rémunération des agriculteurs et des agricultrices vers le bas, poussent à réduire la qualité des produits et des conditions d’élevage et sont un non-sens écologique !

L’exemple le plus récent est l’accord entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande, voté à Strasbourg en novembre 2023. Il prévoit notamment l’importation de 38 000 tonnes de viande ovine supplémentaires tous les ans, soit l’équivalent de 1 900 000 agneaux importés chaque année.

Les morceaux d’agneau néo-zélandais voyagent 6 semaines en cargo en parcourant 20000 kilomètres dans des emballages en plastique étanches dans lesquels l’oxygène est remplacé par du dioxyde de carbone et sont maintenus à une température comprise entre -1 et 0° C.

Cette technique surnommée « chilled » permet de les conserver jusqu’à 16 semaines et de les vendre au rayon frais plus de deux fois moins cher que les agneaux produits en France ! Cette concurrence déloyale abîme notre agriculture et nous ne la sauverons pas sans la remettre totalement en cause.

Elle est dénoncée aussi par Jacques Tillier qui, dans son éditorial du JIR du 27/01/2024, vilipende nos gouvernants devant la concurrence déloyale des produits importés : la viande dans l’exemple ci-dessus, mais aussi les oignons, les carottes et l’ail de Chine, dont les tailles et les couleurs sont pour le moins suspectes au-regard de la législation européenne.

Mais Jacques Tillier se trompe de cible quand il s’en prend aux écologistes qui sont, paradoxalement, les meilleurs alliés des agriculteurs. La cible des agriculteurs, c’est l’Europe et le Green Deal.

Que le Green Deal européen soit mal conçu, c’est un fait : mais on ne peut en tenir les Ecologistes français pour responsables. D’ailleurs, partout en Europe, la révolte paysanne gronde. Elle n’est pas franco-française.

Parmi les griefs des agriculteurs en colère, les « contraintes environnementales » sont montrées du doigt. Et si l’écologie n’était qu’un bouc émissaire, afin de ne pas s’attaquer aux réelles causes de la détresse agricole ?

Les agriculteurs sont vent debout contre la fin de l’avantage fiscal sur le gazole utilisé pour leurs engins. Entre temps, manifestations et blocages se sont multipliés et la liste des revendications s’est allongée.

Résultat, des institutions liées aux politiques écologiques ont été prises pour cible lors des mobilisations : explosion à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) à Carcassonne, dépôt de fumier et de pneus devant l’Agence de l’eau à Toulouse... Les agriculteurs s’en prennent aux symboles de l’Etat.

Pour tous les militants écolos et paysans, pas besoin de tourner autour de l’abreuvoir : la cause principale de la détresse agricole n’est pas la transition écologique, mais bien le manque de revenus.

« Ce ne sont pas tant les normes environnementales ou sanitaires qui sont dénoncées que le sentiment qu’il y a de plus en plus de normes alors même que les agriculteurs n’arrivent pas à vivre de leur travail », enchérit Aurélie Trouvé, députée de la France Insoumise.

Autrement dit, « on leur demande plus d’efforts mais on ne les protège pas des importations de produits qui ne respectent pas ces normes, on ne leur garantit pas des prix qui leur permettent de vivre correctement et de s’engager dans la bifurcation écologique ».

À l’automne dernier, le gouvernement a ainsi refusé de financer l’agro-écologie et il a balayé les 600 millions d’euros d’aides supplémentaires demandées en soutien à l’agriculture bio. Ce mouvement est une question de survie.

En clair, écolos et agriculteurs en colère dressent le même constat d’un mal-être social et économique… mais n’en tirent pas la même analyse. Les Verts Européens n’ont pas voté pour cette PAC [Politique Agricole Commune] qui ne bénéficie qu’à quelques-uns, n’ont pas voté pour les accords de libre-échange qui dérégulent les prix.

Le fossé est grandissant entre les agriculteurs mobilisés et les directions nationales des syndicats agricoles majoritaires, comme la FNSEA, toujours associée aux décisions des gouvernements précédents.

Pour ne pas remettre en cause le système économique productiviste et ultralibéral défendu par ces syndicats, ils ont cherché d’autres responsables. L’écologie a ainsi fait figure de parfait bouc émissaire.

Tout le paradoxe est là. Face aux difficultés — sanitaires, économiques, climatiques — croissantes que rencontrent celles et ceux qui cultivent, une partie du monde agricole se retrouve dans une fuite en avant, avec des solutions technicistes, néolibérales et de court terme.

C’est l’exemple des méga-bassines. Autant de fausses solutions qui ne feront qu’accentuer le problème.Élus et militants de la cause paysanne tentent donc d’esquisser une autre piste de sortie, qui ne rimerait pas avec « moins d’écologie ».

La Confédération paysanne pousse ainsi pour que l’exécutif s’attaque « aux réelles causes du problème : la mise en concurrence des agriculteurs les uns contre les autres ». Pour apaiser la colère du monde agricole, le syndicat minoritaire a donc ses solutions.

Le gouvernement doit stopper les négociations sur les accords de libre-échange et revenir aux précédents. Il faut aussi interdire la vente en-dessous du prix de revient. Le bien-être social doit aussi être garanti pour que les agriculteurs puissent prendre soin du climat et de la terre.

Plus de régulation, une meilleure rémunération, autant de mesures défendues par les partis de gauche écologistes. Tout ceci est compatible avec les revendications écologiques. On est loin des conclusions de notre cher éditorialiste et directeur du JIR.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Reporterre du 24 Janvier 2024

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