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D’après Novéthic du 01 Avril 2024

Top Chef, le trompe-l’œil du virage vert

Par Bruno BOURGEON

lundi 15 avril 2024, par JMT

Top Chef, le trompe-l’œil du virage vert

Lors de l’épisode 2, les candidats ont dû réaliser un trompe-palais végétal (Capture d’écran / M6)

Top Chef est-il devenu l’étendard de la cuisine durable ? Si l’émission culinaire la plus regardée de France instille des touches de végétal, elle rate les enjeux environnementaux de l’alimentation. Le concours culinaire, de retour depuis le 13 mars dernier, a mis cette année les petits plats dans les grands pour fêter son quinzième anniversaire.

Pour la première fois du programme, les candidats ont dû faire la part belle au végétal en imaginant un “trompe-palais”. Le défi est de taille : faire croire à des gourmets qu’ils dégustent un plat de viande alors que ce sont en fait des légumes. Du bacon végétal à base de feuille de riz, un bourguignon réalisé avec du seïtan… un bluff visuel et gustatif.

Un exercice inédit durant lequel ils ont pu obtenir le soutien d’un jury renouvelé, avec l’arrivée de Dominique Crenn. Zéro déchet, zéro plastique, abandon de la viande : la cheffe, triplement étoilée, assume un positionnement résolument tourné vers une cuisine respectueuse de l’environnement. Ces choix reflètent-ils un véritable virage vert au sein de la production de l’émission culinaire ?

« On voit une évolution depuis les débuts du programme », nous confirme Clémentine Hugol-Gential, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Bourgogne. Depuis plusieurs saisons, Top Chef introduit en effet le thème de l’environnement et de la gastronomie durable dans ses épreuves de manière ponctuelle mais récurrente, avec notamment les invitations de Barbara Pompili ou Yann Arthus-Bertrand.

“J’ai une tête à faire de la cuisine végan ?”
Pour autant, « Top Chef n’est pas précurseur et continue à porter une vision traditionnelle de la cuisine », nuance Clémentine Hugol-Gential. « L’émission parle de sujets écolo parce que c’est dans l’air du temps », précise de son côté la cheffe Chloé Charles, ancienne candidate du concours. Car le programme est avant tout une émission de divertissement.

« Top Chef est là pour faire rêver, pas pour faire de la politique progressiste. C’est un rouage de la machine à alimenter le mythe gastronomique français », estime Nora Bouazzouni, journaliste et autrice de plusieurs ouvrages sur l’alimentation.
Les représentations mentales autour de la cuisine française restent associées à la consommation carnée.

Convivialité, virilité, richesse… La viande bénéficie d’une place de choix dans notre imaginaire, tandis que le « repas végétarien pâtit d’une image d’ascétisme », soulignent Ricardo Azambuja et Sophie Raynaud, chercheurs à Rennes School of Business, dans une tribune de Libération.
Si certains candidats de Top Chef se distinguent par leur engagement écologique dans l’assiette, d’autres alimentent les clichés. « Ce que j’aime énormément, c’est crème, beurre, gras. Regardez-moi là j’ai une tête à faire de la cuisine vegan ? », lance par exemple Pierre, durant le premier épisode de la saison 15. Difficile dès lors d’imaginer une saison du concours entièrement végétarienne. « L’émission ferait face à une levée de boucliers », prévoit Nora Bouazzouni.

Le rôle sociétal de M6
Pourtant, selon un rapport de la Food and agriculture organization (FAO) dévoilé fin 2023, l’élevage est à l’origine de 12% des émissions de gaz à effet de serre produites par les humains. Un constat qui pose la question de la responsabilité de Top Chef et de son diffuseur M6.

Sur son site web, la chaîne affirme endosser un rôle sociétal en promouvant au travers de Top Chef des bonnes pratiques en termes de gaspillage alimentaire et d’utilisation de produits bio et frais. Un engagement qui omet de nombreux enjeux sur lesquels les téléspectateurs sont particulièrement attentifs.

Lors du lancement de la quinzième saison, certaines internautes ont ainsi pu remarquer que les œufs utilisés pour cuisiner les plats de la première épreuve étaient numérotés 3FR, soient des œufs de poules élevées en cage. Ce mauvais signal n’a pas laissé les téléspectateurs indifférents et souligne le peu d’engagement de l’émission dans son garde-manger.

D’autant plus que l’influence de Top Chef se ressent jusque dans les cuisines des téléspectateurs. Si « la question du bien manger a longtemps été absente de ces programmes », explique Manon Dugré, coordinatrice de la chaire Aliment Nutrition Comportement Alimentaire (Anca) d’AgroParisTech, « une des premières choses que l’on a observées, c’est que ça a créé un engouement sur le fait maison ».

Reste que le concours pourrait aller beaucoup plus loin pour impulser un véritable changement des comportements alimentaires. Aujourd’hui, les principaux critères d’évaluation du concours sont le goût et les qualités esthétiques du plat. Demain, si on avait des critères de durabilité, l’impact pourrait être énorme.

Une piste qui permettrait à Top Chef de se réinventer ? Malgré sa longévité exceptionnelle, l’émission fait face à une perte d’audience. Le lancement de la saison 15 n’a en effet rassemblé que 2,16 millions de téléspectateurs. C’est le démarrage le plus bas de l’histoire du concours.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Novéthic du 01 Avril 2024

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