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Librement inspiré de l’oeuvre de Joseph A. Tainter

Toute mégastructure implique l’effondrement

Par Bruno BOURGEON

vendredi 8 décembre 2023, par JMT

Toute mégastructure implique l’effondrement

Effondrement

D’un côté des militants s’introduisent dans l’aéroport du Bourget pour y planter des arbres et dénoncer « les criminels climatiques », de l’autre le ministre délégué aux transports, Clément Beaune veut mettre fin à certains projets autoroutiers.

Convergence des luttes ? En fait l’action directe tout autant que la volonté gouvernementale ne sont qu’incantations. Politiques, chefs d’entreprise ou ménages, nous sommes tous prisonniers d’une mégastructure qu’on ne peut modifier qu’à la marge.

Le pouvoir véritable n’est ni dans les assemblées politiques, ni parmi les dirigeants des entreprises, encore moins dans la rue, le pouvoir est celui de l’état de nos infrastructures matérielles et superstructures organisationnelles à un moment donné.

Prenons un exemple, mais on pourrait faire le même genre de raisonnement sur le transport aérien ou la prépondérance du numérique dans l’organisation sociale. La voiture comme consommation de masse n’est que centenaire, à partir de la Ford T en 1908. A l’époque, il n’y avait en France que 1672 voitures, aujourd’hui il y en a 36 millions et beaucoup plus d’un milliard sur la planète.

L’invention de l’automobile a incité à multiplier les voies, ce qui a favorisé l’achat d’automobiles, d’où la construction d’autoroutes, la mondialisation du complexe pétrolier, la création d’entreprises vouées à l’automobile, l’encadrement par l’État, etc.

Au début du XXe siècle, on n’avait pas besoin de voitures, il n’y en avait pas ; aujourd’hui on en a absolument besoin car la possession généralisée de voitures a entraîné l’éloignement du domicile et du lieu de travail, et l’obligation de fréquenter les parkings des centres commerciaux.

Mettre à bas cette structure socio-économique ne peut pas être pensé aujourd’hui, il n’y a pas d’acceptation possible d’un dévoiturage, le gouvernement ne peut que proposer de remplacer les véhicules thermiques par des véhicules électriques.

Les grandes marches pour le climat ne disent rien de comment faire diminuer réellement nos émissions de GES et les déclarations politiques ne sont que des effets de manche.

Les seules prémices d’une remise en question des infrastructures sont issues du mouvement de contestation des grands travaux inutiles et imposés : le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, les lignes à grande vitesse, le Stade des Lumières, la tour Triangle, les incinérateurs géants, les centrales nucléaires de quatrième génération, les projets de méga-centre commerciaux ou l’A69…

Mais tous ces mouvements ne sont que des appels à freiner la sur-structuration de nos sociétés, pas à déstructurer le système thermo-industriel. Alors, que faire ? Attendre une mégacrise qui semble inéluctable.

Dans son livre de 1988 sur l’effondrement des sociétés complexes, Joseph A. Tainter avait montré que confrontées à de nouveaux problèmes, les grandes civilisations accroissaient la complexité de leur fonctionnement en investissant plus encore dans les mêmes moyens qui provoquent leur perte.

Le gain marginal d’une complexité croissante décline en effet jusqu’à devenir négatif. Alors tout accroissement de la complexité (et de ses coûts) entraîne la diminution des bénéfices sociaux.

L’effondrement économique et social est alors inéluctable : cas de l’empire romain par exemple. Aujourd’hui nous avons créé des systèmes gigantesques et monstrueux qui sont devenus indispensables au maintien des conditions de vie de milliards de personnes.

Nous sommes passés en un siècle d’une société de circuits courts à des relations mondialisées où il n’y a plus d’autonomie possible. Le volume du commerce mondial a augmenté de 4 500% entre 1950 et 2022, chaque humain est devenu assujetti aux flux transnationaux.

L’omniprésence des complexes sociotechniques a rendu les personnes hétéronomes, c’est-à-dire dépourvues des capacités de retrouver quelques îlots d’autonomie. Dans nos sociétés, très peu de gens savent aujourd’hui survivre sans supermarché, sans carte de crédit et sans station-service.

Lorsqu’une société devient hors-sol, c’est-à-dire lorsqu’une majorité de ses habitants n’a plus de contact direct avec le système-Terre, la population devient entièrement dépendante de la structure artificielle qui la maintient dans cet état.

Si cette structure s’écroule, c’est la survie d’une grande partie de la population qui pourrait ne plus être assurée. L’effondrement d’une civilisation suréquipée peut être très rapide.

Plus le niveau d’interdépendance des infrastructures est élevé, plus de petites perturbations peuvent avoir des conséquences importantes sur l’ensemble. La variation du PIB repose sur des enchaînements qui agissent à la hausse comme à la baisse.

Par exemple le multiplicateur de revenu explique en partie la phase d’expansion du cycle, mais aussi la crise. Au niveau financier, le mécanisme est similaire. Lorsque l’économie ralentit, la probabilité d’un remboursement des prêts accordés diminue, entraînant des défauts de paiement et des pertes d’emplois, donc moins de prêts accordés et moins d’argent en circulation.

Ce processus s’auto-alimente, et une fois lancé il est très difficile de l’arrêter. Ainsi de la crise des subprimes de 2008. L’économie est aussi très dépendante de la disponibilité des ressources naturelles, en particulier de l’énergie fossile.

Rappelons l’analyse de Jean-Marc Jancovici : « Si demain nous n’avions plus de pétrole, ni gaz, ni charbon, ce n’est pas 4% du PIB que nous perdrions (la place de l’énergie dans le PIB), mais près de 99 %». En résumé, une mégastructure se trouve toujours à un moment ou un autre confrontée à des mégachocs.

Rappelons la grande crise mondialisée de 1929 suite à un krach boursier, rappelons les premiers chocs pétroliers des années 1970, constatons la fragilité actuelle des approvisionnements de l’Union européenne en énergie ainsi que la volonté croissante des décideurs de faire une pause dans la « transition écologique… ». Tout porte à croire en un effondrement proche.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

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