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D’après Alternatives Economiques du 04 Novembre 2023

Nouveau rapport du Club de Rome : « Notre régime de croissance reste insoutenable »

Par Bruno BOURGEON

mercredi 13 décembre 2023, par JMT

Nouveau rapport du Club de Rome : « Notre régime de croissance reste insoutenable »

Le Club de Rome a présenté un nouveau rapport intitulé « Earth for All » (Terre pour tous), une feuille de route pour sortir par le haut de la crise de l’anthropocène annoncée il y a un demi-siècle dans sa célèbre publication, dit rapport Meadows, « Les limites à la croissance » (1972). Soit 50 ans plus tard.

Rédigé par un collectif international d’experts du climat et du développement durable, l’ouvrage, dont la traduction française est parue le mois dernier, imagine deux scénarios.

L’un, baptisé « Trop peu, trop tard » poursuit la tendance actuelle. La diminution trop lente des émissions de GES et la poursuite de l’effondrement de la biodiversité précipitent l’humanité dans le mur.

L’autre, appelé « Pas de géant » propose une série de transformations rapides et profondes, mais économiquement, techniquement et politiquement réalistes.

Ces changements pour rendre la Terre habitable pour tous sont déjà à l’œuvre ici ou là. Il s’agit de les systématiser, ce qui nécessite de les inscrire dans une vision politique cohérente et articulée.

Cela implique d’agir simultanément sur 5 leviers interdépendants identifiés par les auteurs : l’élimination de la pauvreté, le recul des inégalités, l’émancipation des femmes, la mutation des pratiques agricoles et alimentaires pour les rendre écologiquement soutenables et, enfin, la décarbonation du système énergétique.

Le Club de Rome a engagé une réflexion pour le cinquantenaire du rapport Meadows : comment mieux nous emparer des grands défis que notre XXIesiècle doit relever ? Ils ont mis à jour le modèle informatique qui avait servi à réaliser les scénarios prospectifs présentés dans le rapport Meadows et qui mettait en relation différentes variables : évolution démographique, consommation d’énergie, production industrielle, consommation alimentaire…

Jørgen Randers, le plus jeune des quatre auteurs du rapport de 1972, a réalisé cette mise à jour. En entrant les données que nous observons aujourd’hui, cela nous a permis d’explorer des scénarios futurs, et notamment le scénario « Pas de géant », qui marque une rupture par rapport à la projection des tendances actuelles décrites dans le scénario « Trop peu trop tard ».

Beaucoup ont critiqué le rapport Meadows au motif qu’il prédisait un effondrement qui ne s’est pas réalisé. Or cet effondrement n’était qu’un scénario parmi d’autres futurs possibles décrits dans le rapport, mais c’est celui qui a, à l’époque, attiré l’attention.

Le message principal de ce rapport reste pourtant plus exact que jamais : notre régime de croissance reste insoutenable. C’est ce que de nombreuses études ont montré, et c’est ce que confirme notre mise à jour du modèle.

Cependant, il fallait faire plus qu’un travail prospectif. S’en tenir, comme le rapport Meadows, aux constats et alerter sur un risque futur ne suffit pas. Il faut aussi faire des propositions et faire qu’un maximum de monde s’en empare. C’est l’ambition du nouveau rapport.

Les solutions présentées ne sont pas des inventions et elles sont largement partagées et éprouvées. Réaliser le « pas de géant » pour atteindre le bien-être et la sécurité pour l’ensemble de l’humanité et de la planète nécessite une approche systémique.

Face à la crise écologique, les solutions proposées pour décarboner l’économie ou pour transformer le modèle agricole seront inopérantes si parallèlement on ne répond pas en profondeur à la question des impacts sociaux de ces transformations. Ce qui implique de s’attaquer à la pauvreté et aux inégalités sociales.

Et ce combat ne pourra pas être mené si on ne s’attaque pas en même temps aux inégalités entre les sexes, en particulier dans les pays du Sud. Il faut opérer un changement de cap radical simultanément sur ces cinq axes : climat, biodiversité, pauvreté, inégalités et rapports de genre.

Ce caractère nécessairement systémique du changement est une conclusion forte de ce travail de modélisation. Une autre conclusion forte, c’est que l’éradication de la pauvreté et le recul des inégalités sont des sujets absolument prioritaires dans la lutte pour atténuer le réchauffement climatique et ses effets.

Ce lien est assez évident, mais ce qui a surpris en faisant tourner le modèle, c’est à quel point la variable du progrès social conditionnait la variable climatique. Ce n’est donc pas un hasard si dans le rapport, on traite les cinq axes de changement en commençant par la pauvreté et les inégalités et en finissant par les moyens de décarboner l’économie.

Le paradigme actuel, qui s’en remet aux lois du marché et aux gains technologiques ne nous sauvera pas. Il nous conduit dans l’impasse sociale et écologique que décrit le scénario « trop peu, trop tard ». Nous voyons ce que les gains technologiques peuvent apporter de positif et nous nous plaçons dans le cadre de l’économie de marché.

Mais, très clairement, et cela ne plaît pas à tout le monde, l’Etat doit reprendre sa place de régulateur. C’est une condition pour mener à bien la transition juste. Un chiffre : entre les années 1970 et aujourd’hui, le salaire moyen des patrons a progressé de 1.400%.

Notre économie dérégulée n’est plus une économie productive, c’est une économie financière, basée sur la valeur pour les actionnaires. Le rapport Meadows n’a pas anticipé cette montée des inégalités, ni l’accroissement de la pauvreté dans les pays riches.

Cela faisait très longtemps qu’on n’avait pas vu autant de solidarité et autant d’interventions des gouvernements pour la protection des citoyens, tant à l’intérieur qu’entre les Etats.

Mais cette période a été de courte durée. Aux Etats-Unis, l’idéologie du marché reste ultradominante, tandis qu’en Europe, nous assistons à une montée en force des courants libéraux et populistes.

Selon les régions du monde, les 10% les plus riches détiennent entre 60% et 80% des richesses. Il ne s’agit pas d’abolir les inégalités mais de les ramener à un niveau qui reste compatible avec une société de bien-être, l’estimation du modèle est à 40%.

Les niveaux atteints par les inégalités sont de plus en plus ouvertement critiqués dans beaucoup d’Etats comme une entrave au développement. En témoigne par exemple une déclaration de l’OCDE qui préconise d’accroître la fiscalité sur les plus riches, ménages comme entreprises.

Davantage taxer les riches est un sujet de plus en plus présent dans le débat public, comme on l’a vu par exemple récemment en France. Ce débat existe aussi chez les principaux intéressés. Aux Etats-Unis, nombreux sont les individus très riches à avoir rejoint le mouvement des Patriotic Millionnaires, qui disent qu’ils ne payent pas assez d’impôts.

Ces différentes initiatives restent encore très minoritaires, mais désormais, le sujet est posé et de plus en plus de citoyens s’en emparent. Pour convaincre les riches qu’ils doivent bouger, il faut leur faire comprendre que pour eux aussi, il y a énormément de risques à habiter sur une planète qui est en train de brûler.

Là où il y a moins d’inégalités, il y a moins de criminalité et d’insécurité et la vie est généralement plus agréable. C’est un discours que l’on commence à entendre à Davos.

L’idée est de partager équitablement les revenus de ressources qui sont exploitées et appropriées par quelques-uns mais qui en réalité devraient être considérées comme des biens communs.

Un exemple, c’est le pétrole et le gaz, dont l’extraction génère actuellement des revenus stratosphériques.

Mais on pourrait citer l’ensemble des ressources du sous-sol et en particulier celles qui demain joueront un rôle clé dans la décarbonation de l’énergie, ou encore les océans, des terres agricoles, des brevets qui devraient relever du domaine public...

Cette idée de « dividende sur les communs » ne doit pas être confondue avec celle d’un revenu universel de base. Il ne s’agit pas d’un revenu de substitution, sujet qui fait débat par ailleurs, mais du partage de biens communs aujourd’hui privatisés.

Le rapport est lisible par tous, responsables politiques comme simples citoyens. Les deux scenarii sont des récits de vie, le tendanciel et le souhaitable, en mettant en scène l’histoire de quatre femmes imaginaires nées aujourd’hui, l’une en Chine, l’autre aux Etats-Unis, la troisième au Bangladesh et la quatrième au Nigeria.

Et nous racontons ce que pourrait être l’évolution de leur vie d’ici à 2050, selon que nous aurons opéré ou non nos cinq changements de cap. Tout ce travail, et sur les propositions et sur la forme narrative, a été réalisé sur la base de nombreux échanges, avec des chercheurs, des militants, des habitants de tous les continents.

Le rapport Meadows avait été produit par des universitaires occidentaux, il était pour nous essentiel que ce nouveau rapport soit le fruit d’une réflexion très élargie. Depuis sa sortie il y a un an en langue allemande, le rapport a été traduit en huit langues.

Il suscite beaucoup d’intérêt dans des audiences différentes. Des individus, des associations, des entreprises, des universités le sollicitent, et même des gouvernements, comme l’Autriche, l’Ukraine, le Kenya, ou le Vanuatu.

En septembre, à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies où le point a été fait sur la mise en œuvre des 17 objectifs du développement durable pour 2030, le rapport a été présenté au secrétaire général António Guterres et à son équipe. Ils l’ont beaucoup apprécié, en particulier la simplicité du message, et ils veulent travailler avec le Club de Rome.

Nous sommes confrontés aujourd’hui à une vague populiste qui emporte l’adhésion de l’opinion avec un message très simple : « N’écoutez pas les écologistes, car ils veulent que vous fassiez des sacrifices et vous serez perdants, donc ne changeons rien au système ».

C’est un discours qui nous emmène vers la catastrophe, et si on veut le contrer et gagner, il faut que nous aussi, nous ayons un message simple et que nous soyons stratégiques.

C’est ce que le nouveau rapport du Club de Rome veut faire. Quant à ceux qui prétendent que l’écologie conduit à la dictature, citez-moi un pays, je dis bien un seul pays, où l’écologie a fait sauter le verrou de la démocratie.

Alors que les exemples inverses, de personnalités venues au pouvoir avec un discours anti-écologiste, et plutôt portées sur l’autocratie, se multiplient : Orban, Trump, Bolsonaro, et maintenant Milei en Argentine.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Alternatives Economiques du 04 Novembre 2023

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